Deuxième nuit sans dormir. J'ai beau essayé, rien à faire, le sommeil me fuit. La faute à cette boule dans mon ventre et à mon corps qui tremble. J'en claque presque des dents. Je n'ai pourtant pas froid.
Je me tourne sur le dos et laisse mon esprit dérivé vers les étoiles. Les images de ces dernières heures défilent devant mes yeux, sur fond de voûte céleste. C'est joli mais ça fait mal.
Je renonce. Plus bas, j'entends la fête qui bat son plein. Pas envie de me mêler à la foule. Pas envie d'être une fille. Pas envie d'être là ! Bordel !
J'arrache plus que je ne retire ma jolie robe et je renfile ma tenue normale : mon pantalon bleu nuit et ma tunique sombre. J'enfonce un chapeau de paille sur mes yeux, serrant mes cheveux dessous. J'enfonce ma cape bleue sage au fond de mon sac et je redescends vers l'animation.
Je me faufile entre les maisons, restant à l'abri des ombres quand je l'aperçois. C'est un choc. Je sens ma rage qui enfle en moi jusqu'à menacer d'exploser. La colère me submerge et me fait voir rouge. Ce n'est même pas une image, mes yeux se nimbent de rouge, ce qui est un peu bizarre, même pour moi. Je suffoque de fureur. D'un geste, j'ai chopé mon arc et encoché une flèche. Ne me demandez pas comment, mais le fait est que sans avoir beaucoup bougé, je l'ai en ligne de mire.
ADONIS.
Juste en bout de ma flèche. Si je me concentre bien je pourrais lui transpercer l’œil. Ou bien je vais viser la gorge, à l'instant où il inhalera sa foutue fumée de son pétard de merde !!
Adonis.
Il est là, puant de bêtise et de... pfff ... je ne sais même pas comment le qualifié. Je ne pense même pas qu'il soit bête en fait. Il est juste ailleurs. Dans un autre univers ou un autre plan de conscience.
Adonis.
Ma douleur palpite dans mon ventre et si je pouvais, je pleurerai. Mais j'ai déjà pleuré devant Sathir... je refuse de le refaire. Pleurer, c'est mourir.
Adonis.
Mes oreilles se bouchent. Le silence s'installe, assourdissant. Je tends la corde de mon arc. Je sens le froid m'envahir, comme à chaque fois que je m'apprête à tuer.
La corde frôle ma bouche et mon nez, je vais relâcher ma flèche et tout sera finit. Il m'a fait du mal. C'est de sa faute. Il va payer !
- Vraiment, ma colombe ?
La surprise m'arrache un petit cri. J'ai relâché la corde, doucement, pour ne pas que ma flèche parte n'importe où. Adonis ne saura jamais à quel point il est passé tout près de mourir. Je le déteste.
J'aimerai bien tourner la tête pour voir mon interlocuteur, mais je sais d'avance qu'il n'y a personne. Gavain est mort depuis longtemps. Il a emprunté les accents veloutés de mon meilleur ami. Il ne parle que dans ma tête.
- Il est responsable.
- Vraiment... ma petite souris ?
- Arrêtes de dire "Vraiment" !
J'espère que personne ne me voit me disputer toute seule, parce que sinon je suis bonne pour finir dans une cellule de dégrisement. Je n'ai rien bu, ça ferait désordre. Cette fois c'est clair, je suis folle.
- Le chagrin est quelque chose de particulier qui ouvre souvent l'esprit à autre chose. Bref... es-tu sûre que ce soit lui qui te fasse souffrir ?
- C'est de sa faute...
- J'entends mon ange. Mais... qui a prit la décision de mettre fin à ce ... hmmm... cirque ? Qui a écrit une lettre à son meilleur ami pour lui signifier qu'elle n'apprécierait pas qu'il fasse semblant ? Qu'elle l'aimait pour ce qu'il était et pas pour ce qu'il pouvait faire semblant d'être ? Qui a prit la décision d'être toujours là pour lui, sans rien exiger en retour ?
Je soupire. Mon corps se remet à trembler et je sens autre chose arriver. J'espérais ne pas en passer par là...
Des étoiles dansent devant mes yeux. Mon corps tremble de plus en plus et mes genoux cèdent soudain sous moi. Je me retrouve à fixer les étoiles pour la seconde fois de la soirée. Sauf qu'avec les lumières de la ville, je ne vois pas grand chose. A moins que ça ne soit les tâches blanches qui dansent.
Mes oreilles sifflent. J'ai chaud, très chaud. La pression monte inexorablement. J'entends une voix me murmurer trois mots : Fidélité, Loyauté, Sacrifice.
Et soudain tout s'éteint.
Je me suis évanouie.