Ceux qui se souvenait

Un géant avait fait son apparition parmis eux. Nicolae ne l’avais pas vu arrivé, pas réellement, tant il était absorbé par la réponse de la chamane. Le mot «prêtre» en était un vague et il fut rassuré d’entendre la femme exprimer les nuances qu’elle percevait dans son utilisation. Il hocha du chef ça et là pour afficher son intérêt à son interlocutrice, puis avait pris quelques seconde pour songer à tout ce qui venait d’être dit.

C’est à ce moment que le guerrier était arrivé, surprenant le notaire qui se fit brusquement ramené à la réalité lorsqu’une voix masculine l’interpella.

«Nicolae» Répondit-il en inclinant le chef en guise de respect.

Il fut heureux que le nouvel arrivant semble plus absorbé par les enfants à sa charge. Depuis quelques années, le légiste avait une relation difficile avec les militaires et autres créatures du genre. Son peuple était pacifique de nature, et c’était peut-être l’une des raisons pour laquelle Nicolae n'était pas à son aise avec ceux qui décidait de porter les armes, peu importe les raisons qui les y contraignaient. Il ne détestait pas les guerriers, mais plutôt ne pouvait s’empêcher de ressentir des émotions mixtes à leur sujet. Sa femme avait, autrefois, porté les armes pour sa terre natale et sur son lit de mort avait avoué son profond regret face à ce fait. Secrètement, il s’était toujours demandé s’il n'avait pas été responsable de la tragédie qui avait changé leur vie à tous les deux. Il aurait dû, se disait-il souvent, s’avoir être opposé au choix d’occupation de sa tendre moitié.

Tout ça n’avait plus la moindre importe par contre. Elle était morte. Ses cendres retournées à la montagne et sa marque laissée à tout jamais sur lui. Son peuple aussi n'était plus, non? Nicolae chassa cette question de ses songe.

Un murmure, puis un autre, attira son oreille. Il avait raté la première moitié, mais il croyais avoir compris que les enfants n'étaient pas ceux de la chamane et de l’homme qui le dépassait d’au moins deux têtes. Le fait ne le choqua pas, pas particulièrement. La seconde rupture du Voile avait laissé plusieurs orphelins dans son sillage, il en était certain, et pour Nicolae, l’unité familiale typique était quelque chose de versatile. Un père, une mère, une communauté. Les enfants était le futur et donc, son peuple partageait une responsabilité collective pour l’éducation de la prochaine génération.

Ce Sethlim l’intrigua toutefois. Un Dashnir à en juger par son nom et le teint de son enfant. Était-il mort ou simplement absent? Il observa les trois autres personnes à tour de rôle, puis il osa se glisser dans la conversation à nouveau:

«Vous avez de nombreux enfants dans votre campement. Ce doit être difficile d’en prendre soin tout en tentant de survivre, non?»

Sa mèche libérée des doigts plus forts qu'ils n'en avaient l'air, Aethyr s'était levée pour retourner près du groupe d'enfants, passant derrière les deux Eodhs pour se faire plus discrète. Elle se tint là, Eirieth dans les bras, la berçant pour voir si elle allait succomber au sommeil ou continuer de tenter d'agripper ses cheveux blonds, que l'Elfe gardait plus courts maintenant qu'elle n'avait plus de vert à y mettre. Pourquoi avait-elle commencé à les teindre, d'ailleurs, au début? Elle l'avait fait quelques mois seulement après son départ de Crebain'Dor, car, paradoxalement pour une femme qui n'aimait pas être remarquée, elle n'appréciait pas d'être prise pour une Elfe comme les autres parce que personne ne connaissait son peuple. Ainsi, elle avait trouvé un moyen de se démarquer.

La mélodie fredonnée pendant que les autres parlaient faisait effet, comme en témoignait le bâillement auquel elle eut droit. Satisfaite, elle posa le bébé avec les autres, le regarda un moment encore, puis retourna près des adultes qui parlaient de perte et plus précisément de celle de la femme qu'avait aimée Nicolae. Mélancolique, la rôdeuse pensa une fois de plus à son village natal qui ne survivait peut-être plus que dans les histoires qu'elle s'efforçait de transmettre. Ils avaient tous beaucoup perdu et, à cet instant, le froid de la vague qui l'avait ensevelie ne voulait se dissiper. À son sens, il n'y avait qu'une chose à faire.

« Ce fut un plaisir de faire votre connaissance, Nicolae. Pardonnez-moi, tous, mais je vais maintenant voir ce que je peux ramener pour plus tard. » Elle inclina la tête pour les saluer.

La réponse de Davarion lui avait laissé sujet à réflexion. Il comprennait la tenneur de ses propos, mais n’était pas certain exactement comment répondre à une telle affirmation. Si le colosse avait raison, Nicolae ne pouvait pas comprendre, et donc n’importe quelle rétorque se retrouverait dénué du moindre sens. Non, le silence, comme toujours, était l’option viable.

Puis, sans même qu’il s’en soit rendu compte, l’Elfe qui avait adopté la même solide stratégie d’insonorité, annonça son départ. Le notaire qui avait eu la conviction qu’il en apprendrait long sur les Eladrin grâce à Aethyr, se retrouva confronté à l’ironie qu’il comprennait encore moins cette race ancienne que lors de son arrivé au campement. À la foi confondu et découragé par la nature misanthropique de la jeune femme (d’apparence, mais pas de vécu), il l’avait observé partir avec tout l’intérêt que l’on porte parfois aux détails anodin telle la chute de millier de flocons de neige traversant la lumière d’une lampe par une nuit d’hivers.

«Ce fut plaisant de partager ce temps avec vous.» Poussa-t-il dès qu’il eu trouvé les mots appropriés.

Lorsque sa réplique trouva les oreilles de l’Eladrine, elle lui faisait déjà dos depuis quelques secondes. La composition de sa réponse avait été plus longue que prévue, mais le légiste était satisfait de son compromis. Affirmer qu’il était heureux d’avoir fait sa connaissance aurait été un mensonge. Il n’avait rien appris sur elle, pas vraiment, et ce malgré ce qu’il avait originellement voulu.

Sa culture, sa langue et les autres blocs qui formait Nicolae avaient toujours prit l’avant plan et son apparente obstination idiotique n’avait rien fait pour éteindre les flammes de la curiosité. D’une certaine façon, il se sentait responsable du départ de l’Elfe. Toutefois, il se consolait avec la notion qu’elle était, comme on lui avait dit, une personne réservé. C’était l’une des rares fois qu’on lui avait décris une personne avec une aussi grande pertinence. Elle était, sans l’ombre d’un doute, une femme réservé. Fort probablement, un homme provenant d’un coin perdu du monde n’avait rien à offrir à une créature qui, sauf preuve du contraire, avait atteint un âge dont Nicolae ne pouvait que rêver. Il la laissa quitter ses songes et se tourna vers ses deux interlocuteurs.

«Des projets? Oui, plusieurs projets, mais il y a encore quelques détails à régler avant de pouvoir en parler ouvertement. Nous avons, je crois, tous le même plan: survivre. La manière est la seule variable inconnue.»

Un regard furtif fut porté vers l’Elfe maintenant plus distante.