Anamnèse, Pixie
Messages : 161 Date d'inscription : 31/01/2016
| Sujet: Ode à la Folie Sam 19 Mar - 7:21 | |
| PréfacePar Son Excellence Anamnèse
Maître Skabak'Skittar'Sisk fut le premier et le dernier membre de son espèce à avoir goûté de l'Ambroisie-d'outre-songe. Né parmi les hommes-rats, vivant parmi ses congénères, il est mort en compagnie des muses et des génies de l'esprit. Certains diront qu'il a connu le trépas bien trop tôt, même pour un membre de son espèce, d'autres affirmeront qu'il vaut mieux une activité spirituelle brève mais intense, plutôt qu'une longue agonie cérébrale. J'aime à croire que le Maître-rat se plut à toucher les étoiles de son vivant avant de les rejoindre dans l'au delà.
La première fois qu'il me fut donné de le rencontré, il était encore une de ses vermines d'homme-rats, inconstance, brutale, sans la moindre once d'intelligence. Lorsque je le fis boire l'Ambroisie-d'outre-songe son entendement décupla, il se mis à peindre quelques mièvreries, calculer la baliverne arithmétique de la racine carrée de trois, méditer sur sa condition de génie parmi les arriérés. Dans un premier temps, il pris la grave toge du philosophe, puis peu à peu, à force de constater l’échec de la raison pour expliquer les Grands Mystères de l'Univers, s'essaya à la flamboyante tunique du foll et folâtre bouffon.
En guise de testament pour les siens, il me chargea de retranscrire et de défendre son ultime réflexion... |
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Anamnèse, Pixie
Messages : 161 Date d'inscription : 31/01/2016
| Sujet: Re: Ode à la Folie Sam 19 Mar - 7:40 | |
| Ode à la Folie Par Maître Skabak'Skittar'Sisk
Des déserts d'orient aux plaines d'occident, des mers australes aux cirrus boréaux, j’étends les multiples anathèmes qu'on adresse à mon égard, même chez les plus désaxés de mes fidèles. Je suis pourtant celle qui apporte la félicité parmi les hommes et les génies. J’anime aussi bien de mon espiègle éclat les galas princiers, les veillées champêtre au coin de l’âtre, que les beuveries de tavernes. Je possède la faculté d’omniscience et le don d'ubiquité car mes grâces touchent toutes les époques, toutes les contrées et percent les barrières de la langue. A ce dernier titre, c'est sans doute pourquoi, on m'affuble d'une myriade de pseudonymes : aberration, aliénation, amok, délire, démence, déraison, dérèglement, déséquilibre, divagation, égarement, extravagance, fureur, hallucination, loufoquerie, manie et autres termes troubles.
Bienveillante, je ne porte aucun blâme sur ceux qui se prétendent être mes plus fidèles détracteurs ; je constate qu'à l'insu de leur plein gré, ils leur arrivent de toucher à ma divinité... En effet, qu'ils soient viscéralement vertueux ou vertueusement viscéraux ils n'échappent pas à ces troubles de l'esprit que l'ont nomme monomanie manichéenne ; cette forme de démence fort rependue, consistant à assimiler la réalité sous un schématisme dual, noir ou blanc, alors que nos sens perçoivent le miroitement kaléidoscopique d'une infinité chromatique. En outre, se sont les plus prétendument pures et vertueux qui s'avèrent être les plus enclins à s’assujettir à leurs instincts génitaux (que d'autres, plus bienséants, désigneraient sous le doux euphémisme « d'instincts reproducteurs »). Instincts au combien peu familier à la sagesse, et à la salubrité de l'esprit. D'ailleurs, certains grands esprits ont su prouver par de fameuses expériences qu'il n'y avait pas suffisamment de sang dans le corps pour dignement irriguer dans le même temps la turgescence des basses parties et les sillons du cerveau (ce siège de la raison).
Assurément, en raison de leur dotation charnelle, les êtres mortels sont quelque peu prédisposés à la folie : la sagesse prescrite par le cerveau peine à tempérer la colérique vitalité du cœur ainsi que l'insaisissable concupiscence des organes sexuelles. Même cette nécessite innée d'aimer, ce « plus noble des sentiments », devient tôt ou tard l'instrument de ma grandeur. Nombreux sont ceux qui ont déjà constaté que « l'amour est l'enfant de la folie, c'est la plus forte de toutes les passions. ». Je ne me hasarderai pas à démontrer la véracité de cette maxime, tant les exemples abondent.
Qu'importe ! Si je me suis évertuée à faire l'absurde démonstration de ma toute puissance et de ma présence dans toutes les renfoncements de la civilisation, il me tarde désormais d'en démontrer mes biens faits. Car celui qui m'accepte dans son esprit fait preuve d'une humilité et d'une sagesse qui ne portent pas leur nom. Ne dit-on pas d'ailleurs que reconnaître ses failles c'est déjà se perfectionner ? Le fou qui sait qu'il est fou, n'est-il pas sur la voie de la salubrité mentale ? Je le crois... En outre, je suis persuadé que ce dément-savant libéré de ses contradictions psychiques peut enfin pleinement goûter de la complexité de l'existence. Sans entrave sa créativité sans borne est comme une corne d'abondance, une source de jouvence qui jailli même au milieux du plus aride des déserts. Ne dit-on pas d'ailleurs qu'il y a toujours plus d'une once de folie dans le génie ?
Certains déjà craindront que cette toute puissance ne mette en péril le Voile. Mais à ces ignorants, il faut rétorquer que c'est justement cette volonté de contrôle (qu'ils nomment non sans arrogance « sagesse ») la source de la Grande Déchirure. Car, à l'image de la Folie, le Voile est par essence incontrôlé et incontrôlable, il s'agit toutes deux de choses qui nous dépassent et qui pourtant régissent chacun de nos actes.
Ainsi parla, la Folie |
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