Sovenghärd en route.

De toute évidence, la guide ne saisissait pas toutes les blagues étranges du grand Eodh, mais elle faisait l'effort d'écouter en espérant améliorer sa compréhension de l'humour humain. À sa remarque sur la température, elle répondit : « La chaleur accablante du désert ne me manque pas, mais... » Elle s'enroba dans les restes mal cousus de ce qui avait été un manteau présentable, autre fois. « J'avais presque oublié ce que pouvait être une nuit glacée. » Son souffle était visible lorsqu'il s'échappait de ses lèvres et elle devait régulièrement ouvrir et refermer ses doigts pour éloigner l'engourdissement. Il était difficile de faire de même pour ses oreilles, par contre, alors elle avait remonté sa capuche, qui elle avait mieux survécu que le manteau.

Elle dut se rappeler que le périple de l'Elfe du conte avait duré plusieurs heures. Ils ne devaient pas avoir avancé assez profondément en forêt pour attirer l'attention de l'esprit, si cet esprit existait bel et bien. D'ailleurs, il était possible qu'ils ne fassent aucune rencontre significative cette nuit-là. Au pire, ils rentreraient et Siv n'aurait rien manqué. Ils pourraient retenter la chose lorsqu'une lune aurait passé, peut-être en adoptant une tactique différente. Tout ce qu'elle put remarquer était le bourdonnement des insectes.

Avec un regard en arrière, elle examina ses compagnons. « Tout va bien, derrière? Vous n'avez pas besoin d'une pause? » La question n'était pas très pertinente : bien sûr que des Eodhs tels que Davarion et Mordecaï n'avaient pas besoin de s'arrêter, mais mieux valait vérifier.

« Ce caillou commence à m'aga... oh! Mais qu'est-ce qu'il y a dans ma botte?! » Aethyr s'appuya à un arbre pour retirer ladite botte et fut on-ne-peut-plus surprise d'y trouver deux petites souris blanches. Celles-ci furent tout aussi surprises de se retrouver face à deux grands yeux bleus. Elle mit la botte au ras du sol pour leur permettre de se sauver. « Quand nous serons de retour au camp, pourras-tu rafistoler mes bottes, Mordecaï? »

En regardant les rongeurs s'éloigner, une idée vint à la rôdeuse, si bien qu'elle se releva avant même d'avoir remis chaussure à son pied. « Ce n'est peut-être pas un signe, mais je propose de les suivre! » Et elle se lança à leur poursuite, essayant de ne pas les effrayer. Même si elles devaient les mener nulle part, ces charmantes petites bêtes représentaient une piste potentielle.

Spoiler:

Arrêtée à observer les souris si nombreuses ainsi que l'état de la forêt, elle suivit le conseil de Davarion et remit sa botte avant que son pied ne gèle. D'ailleurs, elle lui répondit : « Il est possible que ces souris aient été un signe pour nous guider; le cas contraire, les suivre aurait pu nous permettre de découvrir quelque chose d'intéressant et je pense que c'est ce qui vient d'arriver... »

Y avait-il eu un orage? Aethyr ne s'en rappelait pas et ne pouvait donc pas expliquer le feu par des éclairs. De même, il était évident qu'une vague de chaleur n'en était pas responsable. « Quelque chose a brûlé ces arbres. Peut-être des gens qui ne faisaient pas attention, mais peut-être aussi des créatures comme des élémentaux ou quelque chose qui crache du feu. » Son regard pour Mordecaï laissait entendre qu'elle préférait que celle-ci ne s'excite pas trop à cette idée.

« Cherchons avec précaution ce qui aurait pu causer ceci, mais rappelez-vous que nous ne sommes pas en chasse. Si nous croisons une telle créature, mieux vaut partir et revenir mieux équipés une autre fois, parce que même si vous avez grimoire, ingrédients et armure... » Elle montra sa branche qui lui servait de bâton. « Je n'ai que ceci, pour ma part. »

Elle n'avait pas remarqué les plumes, son attention ayant été retenue par les traces de griffes ornant certains arbres. Lorsque Davarion se pencha pour en prendre une, Aethyr s'approcha et l'examina en même temps. Oui, il devait s'agit d'harpies de pierre, aussi elle acquiesça. Leur présence n'expliquait pas la partie de forêt brûlée, mais peut-être qu'elles partageaient leur territoire avec d'autres créatures. Souvent, sur le continent, différentes espèces avaient cohabité dans un même lieu, sans doute pour faire front commun aux chasseurs.

La rôdeuse se rangea derrière le protecteur, heureuse de le voir agir avec prudence. Elle voulait aussi voir ce qu'ils pouvaient découvrir, tout en se doutant qu'ils n'étaient probablement pas au bon endroit pour réaliser l'objectif de leur expédition. Néanmoins, la connaissance était une ressource précieuse, surtout en ce lieu.

Aethyr tapotta le bras de Davarion pour attirer son attention, puis elle pointa vers les rats.

« Encore plus curieux... ils vont tous au même endroit. Des rongeurs seraient de bons yeux pour un esprit gardien, comme le sont les corbeaux de Crebain'Dor. Suivons-les pour voir ce qui les attire; avec un peu de chance, ça sera ce que nous cherchons. » Et si la chance n'était pas avec eux, ils avaient un Davarion.

Aethyr contourna les vipères en suivant Davarion, si celles-ci les laissaient passer sans encombre. Bien qu'elle se sentît mal pour les souris (qu'elle avait prises un moment pour des rats, malgré son regard de rôdeuse), elle comprenait que les petites bêtes n'étaient que des proies, faites pour occuper l'étage le plus bas de la pyramide alimentaire animale. Possible que ce fut pour cette même raison qu'elle les appréciait et les trouvait si adorables. Malheureusement pour elles, ces sentiments ne l'incitèrent pas à agir, laissant aux reptiles leur repas de l'heure.

« Elles sont assez voyantes, non? Les prédateurs qui peuvent les atteindre doivent être rares... » L'Elfe se doutait que ses observations n'intéressaient personne, mais elle parlait plus pour elle-même que pour faire la conversation. S'il restait des rongeurs à suivre, le groupe le ferait évidemment; sinon, il se dirigerait vers le nord, continuant dans la direction général qu'ils avaient semblé prendre.

Lorsqu'elle se perdait dans ses pensées, elle resongeait à ce qu'ils avaient découvert jusqu'à maintenant. En considérant les arbres brûlés, elle se rappela d'une créature qui pourrait bien en être responsable : les chats infernaux, compagnons qu'avait grandement appréciés Vierna sur le continent, jusqu'à ce qu'elle ne les délaisse... ou qu'ils ne la délaissent elle. Avec leur tendance à cracher des boules de feu, comme en avait témoigné l'hideux manteau de l'Elfe noire à l'époque, il était fort possible qu'ils se trouvent dans les parages.

Il était fort possible que Davarion eût raison, mais il était aussi possible qu'il y eût quelque chose vers le nord. De plus, il portait une arme assez lourde, fut-elle en bois, sans compter son armure, et ils étaient trois. S'il était important d'être seul et sans arme, le gardien ne se dévoilerait jamais à eux. Aethyr prit donc une décision risquée.

Elle marcha un peu plus lentement en jetant plusieurs coups d'oeil vers sa botte trouée et en l'agitant quelques fois, faisant comme si un caillou s'y était introduit, voire une autre souris. Lorsque Mordecaï l'eut dépassée, la rôdeuse se servit de ses talents pour se cacher derrière un tronc d'arbre et repartir vers le nord, délaissant son bâton. Avec le tetsubo de l'un et le grimoire de l'autre, les Eodhs s'en sortiraient aussi bien que si l'Elfe avait été là avec sa branche.